samedi 26 juillet 2025

Journal d'un Impuissant - 06 -

 

Jamais deux sans trois dit l’adage. Je ne me résignais pas et une nouvelle fois, internet vint à mon aide, ainsi que mes filles.

En effet, quelques semaines après le départ d’Anne-Lise, ma fille aînée du haut de ses presque dix-huit ans m’interpelle :

— Dis donc papa ! Ça fait plus d’un an que vous êtes séparés et tu ne nous a toujours pas présenté de copine…

— C’est vrai ! renchérit la plus jeune. Maman, elle en a déjà eu au moins quatre…

Je pris quelques secondes avant de leur répondre.

— En fait ! J’ai eu deux amies depuis notre séparation…

— Et tu ne nous l’as pas dit ? me tança la plus grande.

— Non, car je voulais être certain qu’il s’agisse de la bonne…

— Et alors ! Tu nous la présentes quand…

— Quand je l’aurais trouvée ! Réponds-je en riant. 

— Tu as dit que tu en avais eu deux…

— Oui ! Mais la première n’était pas la bonne, et la seconde a déménagé, car elle a eu un travail loin d’ici.

— Ah d’accord… fit la petite, un peu déçue.

— Promis ! La prochaine, je vous la présenterai. 

Quand je l’aurai trouvée, pensais-je.

Grâce aux vacances, je veillai tard et je passais du temps derrière mon écran quand mes enfants étaient couchés. Un soir, un de messages obtint une réponse.

Ton profil me plaît, pouvons-nous commencer à discuter ? Laurence”

Je me souvenais de son profil. J’avais été attiré par l’originalité de sa photo de profil qui dévoilait une femme brune au visage arrondi. Certes, elle posait, mais elle n’avait ni un sourire forcé ni l’impassibilité d’une photo d’identité. Son visage avait une expression qui donnait l’impression de dire : “je te réserve beaucoup de surprises.”

Bien sûr” lui envoyais-je en retour.

Nous avons échangé des messages pendant une longue partie de la nuit. Je dois avouer que la randonnée en montagne prévue avec mes enfants me parut tellement longue que je prolongeais les pauses casse-croûte, ce qui ne nous empêcha d’atteindre le lac de montagne que nous avions visé.

Au cours de la journée, je continuais à échanger des messages avec Laurence qui de son côté se prélassait sur une plage de l’Atlantique avec ses enfants. Elle m’envoya une photo d’elle sur la plage, en maillot de bain avec ses deux enfants, je lui répondis par une photo où nous étions au bord du lac, entourés de sommets escarpés, en tenue de randonneurs.

Pour la photo en maillot de bain, tu devras attendre que je sois rentré au camping au bord de la piscine”

J’attendrai. Bisous”

Je notais ce “bisous” qui apparaissait pour la première fois dans nos échanges. En maillot de bain, elle me dévoilait un peu plus de son corps. D’après la photo, je devinais qu’elle était à peine plus grande qu’Anne-Lise mais le haut de son maillot de bain qui dévoilait juste de ce qu’il fallait sans être indécent, me permit de découvrir une opulente poitrine. Ses enfants plus jeunes que les miens souriaient au photographe qui n’était autre que leur grand-père.

Laurence venait d’être licenciée et elle n’avait pas refusé la proposition de ses parents qui prenaient leurs petits enfants avec eux. Elle ne restait juste qu’une semaine au bord de la mer avant de rentrer, pour entamer ses recherches d’emploi.

Au cours de la semaine, j’ai échangé de nombreux messages avec Laurence et le soir, nos enfants couchés, nous discutions longuement au téléphone.

Elle me raconta rapidement son histoire avec son ex-mari, comment il l’avait abandonné sans vergogne quelques mois après la naissance de leur deuxième enfant. Heureusement que ses parents possédaient une grande maison et qu’ils avaient accepté de l’héberger le temps qu’elle puisse retrouver un travail et se louer un appartement.

Mais quand on a des enfants, garder un secret est très compliqué, surtout quand ceux-ci sont à l’affût. Mon téléphone tomba entre leur main et ils virent les photos de Laurence et de ses enfants, heureusement, aucune photo n’était compromettante.

— C’est ta nouvelle copine ! me demanda l’aînée, en brandissant mon téléphone sur lequel s’affichait la photo de Laurence et de ses enfants à la plage.

— Peut-être, lui répondis-je. Pour le moment, nous apprenons à nous connaître.

La moue qu’elle me fit m’indiqua qu’elle n’était pas particulièrement convaincue par ma réponse. Cependant, je ne pouvais pas vraiment lui en dire plus. Mais je savais qu’il y avait une chose qui lui plaisait, c’était que le petit dernier de Laurence était encore très petit. Ses yeux pétillaient car son rêve était de devenir puéricultrice. Alors avoir un petit bout à la maison ne pouvait que la rendre heureuse.

***

Le hasard des calendriers de garde avait bien fait les choses. Nos enfants respectifs passaient leurs vacances chez leur autre parent en même temps. Cela allait donc nous laisser un mois pour nous connaître plus intimement.

Le mois d’août est aussi un mois pendant lequel la charge de travail est moins importante, ce qui me laisse du temps pour prendre ma pause déjeuner. Nous nous retrouvâmes plusieurs fois avec Laurence, quand elle se déplaçait pour un entretien d’embauche. Nous déjeunions à la terrasse d’une brasserie ou sur un banc avec un sandwich selon la météo du jour.

Sans enfants, libres comme l’air, nous nous retrouvions parfois le soir chez moi ainsi que tous les week-ends. À la fin du mois, nous avions commencé à prendre des habitudes de couple. J’avais même laissé un peu de place dans mon armoire pour que Laurence puisse y laisser quelques vêtements.

Cette fois-ci, j’étais certain de pouvoir présenter Laurence à mes enfants. Il nous restait donc une étape cruciale à franchir, faire se rencontrer nos enfants. Nous avons décidé de faire cela dans un lieu neutre au cours d’un pique-nique. Nous sommes arrivés chacun de notre côté.

À la fin de la journée, nos cinq enfants jouaient, discutaient, se chamaillaient comme s’ils avaient été des frères et sœurs depuis toujours.

À l’été suivant, Laurence et ses deux enfants emménageaient chez moi et un an plus tard, nous avions prévu de nous marier, mais cette maladie vient perturber nos plans. Nous avons reporté notre mariage de quelques années, ce qui donna à notre nuit de noces une tonalité des plus surprenantes, mais ceci est une autre histoire.

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