jeudi 4 juin 2020

La Plante -03- Le Rêve

Détendu pour la première fois depuis de nombreuses semaines, Frédéric s'endort rapidement après s'être couché. Le vernissage de son exposition s'est bien passé et on lui a même proposé de lui acheter son prochain reportage photographique qu'il compte faire sur l'Altiplano andin sur la piste des incas et des civilisations précolombiennes.

Profondément endormi, il ne se rend pas compte des mouvements silencieux autours de lui. Il frissonne juste un peu lorsqu'une des lianes vient lui frôler le bras. La tige remonte lentement vers sa tête et se pose sur sa nuque. Des petites épines microscopiques piquent alors sa peau et lui injecte un liquide qui le plonge dans un sommeil plus profond.

Il est là dans cette chambre qu'il ne connaît pas. Il perçoit plus qu'il ne voit la femme endormie sur le lit. Il progresse lentement vers le lit et soudain il se rend compte qu'il ne peut plus avancer, comme si une laisse le retenait. Il tente de remuer, de tirer mais rien n'y fait. Au moment où il pense réussir à se libérer, il est aspiré par une sorte de tourbillon qui le dépose dans une autre pièce faiblement éclairée. Cette fois-ci, c'est un salon vide avec juste un chien endormi dans son panier. De nouveau, il se sent prisonnier d'une chaîne et essaye de se libérer, mais à chaque fois il se retrouve aspiré par ce tourbillon qui le fait passer de lieux en lieux, de chambres en salons, de vérandas en bureaux. Après plusieurs dizaines de saut, il arrive au milieu d'un désert. Il reconnaît le site où avec Marjam, ils ont découvert la plante. Il avance lentement dans la nuit, il a l'impression d'avancer en titubant, il baisse le regard pour tenter de voir où il marche mais il ne voit pas ses pieds. Il se retourne alors et découvre la plante à quelques pas de là. Il comprend alors qu'il est attaché à la plante par une liane qui part de la tige principale. Il veut s'échapper et se met à "courir". Il s'éloigne de quelques dizaines de mètres et une nouvelle se retrouve aspiré par le vortex noir.

Cette fois-ci, il réalise qu'il est dans leur chambre. Il voit leurs deux corps sur le lit allongés, enlacés, caressés par des lianes. Il sent la tiédeur de leur peau, le parfum de Marjam, il ressent les mouvements du bébé. Ses sensations passent d'un tentacule à l'autre. Il observe à distance puis se sent caresser sa compagne, il regarde sa femme bouger dans son sommeil. Il voit aussi la tige fixée sur sa nuque, il est horrifié mais il ne peut rien faire. C'est à ce moment qu'il aperçoit la tige qui se glisse entre les cuisses de son épouse. Il est dans le même état que lorsqu'il lui fait l'amour, peu à peu son excitation monte et au moment où il atteint l'orgasme, il est parcouru de spasmes puis perd conscience du rêve.

La plante le libère et il dort alors calmement évacuant les toxines qui lui avaient été injectées.

Le jour pointe derrière les rideaux quand les deux amants se réveillent ensemble enlacés dans le lit.

– J'ai fait un rêve étrange cette nuit !

– Toi aussi ? Moi, j'ai cru que la plante avait envahi la chambre et cherchait à communiquer avec la petite.

– Moi ! j'ai eu l'impression de voyager dans différents endroits, mais des lieux en lien avec cette plante ou plutôt avec celle qui nous avons découvert dans le désert.

– Pour ma part, ce fut plutôt un rêve érotique, comme si la plante me faisait l'amour mais en même temps, je le faisais avec toi.

– Oui j'ai eu aussi cette impression aussi mais ce fut très bref juste avant de me réveiller.

Il se lève et regarde la plante immobile dans l'angle de la chambre, le courant d'air qu'il fait en passant à côté fait remuer les feuilles et dégage le parfum entêtant.

– Regarde ! On dirait que notre plante va fleurir !

Marjam se tourne vers lui et la plante.

– Ah oui ! je vois le bourgeon. Si la fleur parfume autant que celle dans le désert, nous allons devoir ouvrir la fenêtre pour ne pas être complètement assommés par l'odeur.

– Nous verrons cela le moment venu. Pour le moment, il ne faut pas traîner, nous sommes attendus à la galerie, j'ai reçu un message dans la nuit, une chaîne de télé veut faire un reportage sur mes clichés.

Ils finissent de se préparer et quelques minutes plus tard, ils se rendent sur les lieux de l'interview. Ils arrivent un peu avant l'heure du rendez-vous et ils découvrent la plante de la galerie prête à s'ouvrir. Ils sont tout de suite enveloppés par l'enivrant parfum qui a envahi la pièce.

La jeune femme sent le bébé s’agiter dans son ventre comme s’il a lui aussi senti cette odeur entêtante.

Ils s'approchent de la fleur et observent les tiges frémir. Elles semblent se diriger vers le ventre de Marjam. Enivrés par la fragrance qui remplit la pièce, ils ne réagissent pas. Les tentacules végétaux glissent sous les vêtements de la jeune femme. Celle-ci se rapproche et rapidement, elle est complètement recouverte de tiges vertes. Quelques-unes s'insinuent entre ses cuisses, ses fesses, elle les sent, elle se laisse faire. Elle pousse un petit cri quand l'une d'elles franchit l'entrée de son sexe.

Frédéric regarde sa compagne immobilisée par les tiges. Il ne peut rien faire, le parfum entêtant embrume son esprit et ce qu’il voit lui semble naturel. Son rêve prend vie sous ses yeux. Il frissonne quand les tiges commencent à monter autour de ses jambes et que la plante lui injecte cette sève au pouvoir si étrange. Paralysé, il entend les gémissements de Marjam quand la tige qui est dans sa fente commence à grossir et remuer. Il la voit se tordre de plaisir, elle ondule en même temps que la plante et elle finit par pousser un long gémissement avant de s’effondrer sur le sol.

Les tiges se rétractent après avoir libéré leur sève dans le ventre de Marjam et elles s’enroulent sur elles-mêmes pour rendre à la plante cette apparence inoffensive et envoûtante qu’elle avait quand ils sont entrés.

Ils reprennent lentement leurs esprits. La plante les envoûte et ils ne peuvent résister à son appel. Ils réalisent qu'en ramenant cette graine d'Iran, ils contribuent à sa dissémination. Ils devraient l'arracher de son pot et la détruire mais une force inexpliquée les en empêche.

Depuis leur première rencontre avec la plante mère, leurs corps sont imprégnés des sucs de cet être et ils font maintenant parti de cet organisme.

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