vendredi 19 juin 2020

La Pomme - Léa


La pomme brillante comme un rubis se détachait sur le gris du granit poli.
Comme tous les ans en ce début mai, Raphaël se rendait avec sa petite fille Léa pour déposer du muguet sur la tombe d'Alice.
Il y a maintenant trois ans, elle le laissait seul avec Léa qui venait de naître. La petite fille lui tenait la main parlant avec entrain dans les allées de ce cimetière.
— J'aime bien venir voir maman ! J'aime lui apporter des fleurs, je suis sûre qu'elle aime ça.
— Oui ma chérie ! Ta maman aimait beaucoup les fleurs et le muguet est sa fleur préférée. Avant que tu arrives, nous allions en chercher en forêt.
— Tu m'y emmèneras ?
— Bien sur mon amour.
Lorsque l'enfant aperçut la tombe de sa mère, elle lâcha la main et se mit à courir. Comme à chaque fois qu'il venait ici, les yeux de Raphaël s'embuaient de larmes. Depuis le décès de son épouse, il n'avait jamais eu l'occasion de penser à lui, à sa vie amoureuse. Son bébé et son travail lui avait pris tout son temps. Sa mère et sa sœur le pressait de leur confier la petite pour qu'il puisse prendre du temps pour lui, rencontrer du monde. Il n'en ressentait pas le besoin.
— Papa ! Qu'est-ce que c'est ?
Il vit la pomme et fut surpris.
— Je ne sais pas !
Léa ramassa la pomme et la regarda.
— Tiens papa ! Tu crois que c'est un cadeau de maman, pour moi ?
— Peut-être ma puce ! dit-il en prenant le fruit. Il la regarda attentivement, il la tourna et la retourna.
— C'est une étrange pomme, peut-être ne devrait tu pas la manger.
— Mais, on pourrait la ramener à la maison ? Cela me ferait un souvenir !
— Bien sûr ! répondit-il en la mettant dans sa poche.
Ils déposèrent les brins de muguet sur la tombe et après un dernier au-revoir, ils regagnèrent leur appartement. Léa déposa la pomme sur un buffet à côté d'une photo de sa maman disparue.
Raphaël regarda sa fille avec tendresse et cru entrevoir luire le fruit artificiel quand la petite fille posa ses lèvres dessus pour l'embrasser comme elle aurait embrassé la joue de sa mère. Il ne s'attarda pas.
Il devait préparer le repas pour sa sœur Maud qui passait le voir avec une amie.
Léa posa la pomme à côté de la photo de sa mère, une jeune femme au regard triste.

La sonnette retentit, Léa sauta du canapé toute excitée, oubliant son dessin animé.
— C'est tata !
Il se leva à son tour pour accueillir les jeunes femmes.
— Raphaël, je te présente Angélique.
— Enchanté de te rencontrer, lui dit-il en s'approchant pour l'embrasser.
Pendant ce temps, la petite fille tirait sur la jupe de sa tante pour lui montrer la pomme.
— Regarde le cadeau que maman nous a fait !
En voyant le fruit, Maud sourit.
— C'est très joli ! Où l'as-tu trouvé ?
— Au cimentière sur la tombe de maman.
Il raconta comment ils avaient découvert l'objet en allant déposer quelques brins de muguets. Ils avaient décidé de le rapporter avec eux. Intriguée par la lueur qu'il dégageait, Angélique se pencha.
— Je peux ? demanda-t-elle en le prenant entre les doigts.
— Oui, bien-sûr ! lui dit Raphaël. Au moment où elle l'approchait de son visage pour mieux l'observer, la pomme se délita. Un nuage de poussière rouge les enveloppa. Surpris et étonnés, les deux jeunes gens ne réagirent pas tout de suite. Dans la cuisine, le minuteur signalait la fin de la cuisson du plat.
— Je crois que nous pouvons passer à table, releva Angélique en souriant à Raphaël, les yeux brillants de désir.
Tout au long du repas, ils se regardèrent, les yeux enamourés. Après le dessert, lorsque Maud annonça qu'elle devait partir, Angélique lui dit qu'elle resterait bien un peu.
— Oui ! dit Raphaël. Reste un peu ! Je te raccompagnerais plus tard.
Pour la première fois depuis trois ans, il se sentait rempli de désir pour une femme.
Amusée, Maud les embrassant en partant.
— Soyez sage ! leur lança-t-elle.
Dès que la porte fut refermée, Léa était couchée depuis longtemps, ils s'embrassèrent.
Leurs lèvres se soudèrent l'une à l'autre. Leurs vêtements tombèrent les uns après les autres sur le sol. Leur étreinte les conduisait vers la chambre.
En douceur, Raphaël allongea sa compagne sur le lit, et lentement, ils fusionnèrent.
Ils luttèrent toute la nuit, redécouvrant avec un plaisir partagé ce que leur envie de désir commun leur disait d'essayer.
Au petit matin, c'est une petite fille, les yeux encore rempli de sommeil qui vint tirer son papa des bras de son amoureuse pour demander son biberon. En voyant la jeune femme, elle lui demanda.
— Tu vas devenir ma nouvelle maman ?
Surprise et étonnée, Angélique ne put que lui répondre.
— Si tu le veux, et si ton papa le veut.

Devant la photo de la maman qui arborait un grand sourire, la pomme luisait dans le soleil levant.

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